René Féret
René Féret est natif de La Bassée, et passa son enfance à Annequin. C’est le curé de la paroisse qui éveilla son goût pour le cinéma. Il était un spectateur assidu des salles lensoises. Il débuta dans différents théâtres du Nord : « La baraque foraine », « le centre dramatique du Nord », et le « TPF » avec Cyril Robichez. Il tourna plusieurs fois à l’hôpital psychiatrique d’Armentières. Son premier film, « histoire de Paul », fut réalisé en 1974 et sortit en salle l’année suivante. A l’occasion d’une hospitalisation de trois mois, René Féret fut marqué par la vie quotidienne dans un hôpital psychiatrique. Il décida d’écrire un scénario. Il n’y connaissait rien à la technique cinématographique, mais plusieurs techniciens et comédiens étaient prêts à s’investir avec lui. Malheureusement, il n’avait pas un sous pour mettre en œuvre la réalisation. Un de ses amis qui avait hérité d’une somme de cinquante mille francs et qui méprisait cet argent, le lui prêta pour financer son film. Le budget final s’éleva à plus de deux cent mille francs. René Féret fut amené à créer une maison de production pour pouvoir bénéficier de l’avance sur recettes. Celle-ci lui permit de payer acteurs et techniciens et de rembourser son ami un an plus tard avec une majoration de 20 %. Voilà un héritage qui a été bien investi. René Féret obtint pour ce film, le prix Jean Vigo 1975, qui récompense un jeune réalisateur. Il avait alors trente ans.
En 1976, il se lança dans la réalisation d’un film dont personne ne voulait : « La communion solennelle ». C’est l’histoire d’une famille qui se déroule sur presque un siècle. Pour boucler le financement, le réalisateur obtint des nombreux comédiens qui ont participé, que ceux-ci soient rémunérés sur les recettes. Déjà très attentifs aux détails, René Féret avait poussé le réalisme jusqu’à choisir des enfants qui avaient typiquement l’accent du Nord.
En 1988 il tourna presque la totalité des cent vingt séquences de « Baptême » à Beuvry, Marles-les-Mines, Sailly-Labourse, Averdoingt, La Comté et le Touquet. Baptême est autobiographique. René Féret ne pouvait pas tourner ce film avant le décès de sa mère car il traitait de la mort du premier enfant de celle-ci. Cet enfant, le cinéaste a contemplé sa photo qui était posée sur le piano à la maison. C’était son aîné de dix ans, décédé dans un accident. Il se prénommait René… Il aura fallu dix-huit mois et douze scénarios pour aboutir à l’écriture de ce film qui était précédé d’un roman.
Pour René Féret, tourner ailleurs que dans le Nord était impensable. Il n’y a qu’ici qu’il y a la lumière qui lui était nécessaire pour créer l’ambiance de son film. Le réalisateur disait à ce sujet : Elle est comme les gens du Nord, à la fois dure et extrêmement attachante. Elle est implacable parce qu’elle est forte et montre tous les défauts mais dans le même temps elle charme et enveloppe…
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Après la projection
Repas débat avec
René Féret à Merville
A Beuvry où eut lieu le tournage, comme pour « La communion solennelle », René Féret se sentait chez lui. Il retrouvait à nouveau et avec un grand plaisir la gentillesse des ch’tis. Cette gentillesse allait très loin. Pendant le mois d’août, le réalisateur avait pris la liberté de scier la cheminée d’une maison. Les occupants étaient en vacances et injoignables. A leur retour, ils constataient les dégâts lorsque le réalisateur alla vers eux et leur dit que c’était pour les besoins du film. La réponse du propriétaire fut toute simple et spontanée : S’il fallait le faire, fallait le faire. René Féret lui promit que la cheminée serait refaite. Ben alors ça va, répondit l’homme. Une telle gentillesse c’est comme la lumière, on ne la trouve nulle part ailleurs.
Cette anecdote nous montre que pour René Féret, tourner dans le Nord, ce n’est pas seulement retrouver son pays natal. C’est aussi parce que pour lui tout y est facile. Il trouve la population formidable. Les gens acceptent de donner sans rien attendre en retour et en sachant pertinemment la valeur de ce qu’ils donnent. Ils sont simples et souriants. Ils aiment les cinéastes et leur travail. Les équipes de tournage sont très bien accueillies.
Le tournage dura quatorze semaines. Jean Yves Berthelot qui jouait le rôle de Pierre et Jacques Bonnaffé celui d’André sont natifs de la région et ont été formés au conservatoire de Lille. Une version longue a été diffusée à la télévision en deux épisodes de quatre-vingts minutes.
Jeanine Ledoux, une comédienne de Lievin y interpréta le rôle d’une voisine qui fait son jardin quand le personnage principal vient réclamer son argent à une cliente. Pour l’occasion on l’avait chaussée de chaussures de l’époque. Elle les trouvait tellement bien qu’elle aurait voulu les garder. Jeanine était en admiration devant une comédienne du film qui ne s’était pas séparée de son enfant et le nourrissait entre les prises de vues. Elle était toute fière d’être conviée à l’avant première à l’Arc en ciel de Liévin. Il y avait même des places de parking réservées aux invités dont elle faisait partie. Elle est arrivée avec sa vieille estafette déglinguée. Le gardien ne voulait pas lui laisser l’accès. Jacques Bonnaffé est intervenu. Toute fière, en robe de soirée Jeanine est descendue de sa voiture accompagnée de l’acteur.
Le réalisateur n’hésita pas à faire la promotion de son film. Lors de la sortie, le Club Cinéma de Merville organisa un repas débat après la projection au Familia. Plutôt que de prévoir un repas intime et un débat en salle comme cela se fait habituellement, les responsables de l’association Mervilloise avaient préféré faire participer le public aux festivités. Il a fallut refuser du monde, la salle du restaurant était trop petite pour les nombreux amateurs qui souhaitaient échanger et débattre sur le film avec le metteur en scène et la comédienne Valérie Stroh, sa compagne à la ville.
Fidèle à la région, René Féret est revenu pour réaliser « Thomas Gravet ou la place d’un autre ». Il a planté ses caméras dans les environs de Lille et d’Armentières. Nous y retrouvons les personnages de « La communion solennelle » et « Baptême ». Il s’agit en fait d’un complément de « Histoire de Paul » dans lequel le réalisateur explique les véritables raisons de sa tentative de suicide qui avait provoqué son hospitalisation à Armentières. Dans le premier film il évoquait la décès de son père. Mais à cela s’ajoute un accident de la route dans lequel il portait la responsabilité de la mort d’un motocycliste.
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