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27 mai 2021 4 27 /05 /mai /2021 13:32
LES PREMIERS FILMS

 

Nous attribuons les premières productions régionales aux films de Charles Moisson. Celui-ci était collaborateur des frères lumières. Il a réalisé « L’arrivée d’un bateau à vapeur dans le port de Boulogne » entre mars et mai 1896 et « L’embarquement d’un cheval » tourné au port de Boulogne sur Mer, quai de Chanzy le 13 septembre 1896. Il les a ensuite projetés lors de la représentation organisée par Victor Planchon au cirque Rancy à Boulogne. Nous considérons cette projection comme la toute première dans notre région.1 Le Royal Vio programma lors de ses représentations au vieux cirque, place Frédéric Sauvage, « Une nuit fantastique à Boulogne sur Mer » réalisé par des cinéastes boulonnais. Des musiciens se chargeaient de l’accompagnement musical. En 1897, Gaumont réalisa un documentaire également à Boulogne.

 

Trucage ou pas trucage ?

 

En 1908, Charles Pathé et l’un de ses opérateurs comparaissaient en correctionnelle, suite à des prises de vues faites à Wimereux pour « La vengeance de l’amant ». Pour représenter une scène dans laquelle un cheval emballé se lançait dans un précipice, ils avaient attiré l’animal vers le bord et se sont arrangés pour qu’il saute dans le vide. La pauvre bête s’est écrasée sur les rochers plusieurs dizaines de mètres plus bas. Le plus drôle dans cette misérable histoire, c’est que des spectateurs se sont exclamés en voyant le film : « Comme c’est bien fait ! Mais on voit bien que ça n’est pas vrai. »

 

La traversée de la manche

 

Monsieur Georges Mercier qui était exploitant d’un cinéma à Calais en 1909, avait acheté dès le début du siècle un des tous premiers appareils de prises de vues. Il s’agissait d’une caméra Pathé de 35 mm. Son voisin lui parla un jour d’un aviateur qui voulait tenter la traversée de la Manche. Au petit matin du dimanche 25 juillet 1909, Georges réveilla son fils René bien avant le lever du soleil et l’emmena sur la plage des baraques d’où était prévu le décollage de Blériot vers l’Angleterre. Selon le règlement de l’épreuve, le pilote ne pouvait tenter son exploit avant le lever du soleil. Il fit un tour d’essai pour vérifier son matériel. A 4h41 quand le soleil apparut, il s’installa à bord de l’appareil et mit les gaz. Les ouvriers lâchèrent les filins et l’avion s’envola pour atterrir trente deux minutes plus tard sur les côtes Anglaises où il fut accueillit par Charles Fontaine qui l’attendait avec un énorme drapeau Français. Evidemment, Georges ne filma pas l’arrivée mais il ne perdit rien du départ. Le film fut aussitôt envoyé à Paris où il a rapidement été projeté. René Mercier en conserva longtemps des copies. Mais un jour, il reçut l’ordre de s’en débarrasser à cause de la dangerosité des films en nitrate. Il les confia à l’ORLEIS et ne sut jamais ce qu’elles sont devenues. Ce film qui a été très largement diffusé est le seul document connu représentant cet évènement. René avait conservé la caméra. Lorsqu’il voulut l’offrir à la ville de Calais, la municipalité la refusa. C’est donc Cambrai, la ville natale de l’aviateur, qui hérita de ce matériel en parfait état de fonctionnement.

L’affaire de Béthune

 

Il existait en fait depuis 1906, une firme qui était spécialisée dans les prises de vues d’exécutions capitales.2 Il ne s’agissait alors que de reconstitutions. Très vite, dès 19O8, la tentation atteignit les cinéastes qui prenant exemple sur le modèle anglo-saxon tentèrent de filmer les actualités sur le vif. Ils ne reprenaient en cela que le relais des frères Lumière dont s’était la majorité de la programmation douze ans plus tôt. Personne n’y voyait d’objection, et d’ailleurs il n’y avait rien de mal à cela, du moins jusqu’au débat de l’année 1909 quand eut lieu l’exécution des frères Pollet à Béthune.

 

Le ministre de la justice avait pris ses précautions et interdit toutes prises de vues. C’était sans compter sur l’habileté des caméramans. La quadruple exécution fut filmée et présentée en séances publiques. Le ministre s’en inquiéta et chercha alors le moyen d’en interdire les projections. La censure au théâtre ne fonctionnait plus depuis 1906. Il considéra donc que les projections de films faisaient partie des « spectacles de curiosité ». Après tout, ne les passait-on pas dans les foires ? La présentation de ces spectacles était soumise à une autorisation municipale. Par le biais de son collègue de l’intérieur, il fit intervenir les préfets auprès des municipalités pour interdire ces séances qui pouvaient troubler l’ordre public et suscitaient le rejet de l’exécution capitale. C’est donc l’un des premiers tournages réalisés dans notre région qui est à l’origine d’une circulaire du 11 janvier 1909, figurant le premier texte officiel de la censure cinématographique.

1 Voir Daniel Granval et Olivier Joos « Les cinémas du Nord – Pas de Calais », Club Cinéma de Merville – 2005.

2 Leglise Paul « Le cinéma et la IIIème république ».

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