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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 15:25

LC791-Lille-Rexy.jpgPour attirer les spectateurs, les exploitants n'hésitaient pas à faire des animations. Pour la présentation de « Napoléon », Sacha Guitry réussit à faire défiler dans les rues de Lille les soldats de la garnison et la musique des gardiens de la paix costumés en grognards. Vers la fin de la même année, Rellys et Maryse Martin sont venus dans la capitale flamande présenter le film   « derniers outrages » de Jean Gourguet. Ils ont repris pendant quelques instants dans le cadre du bar de l’échos, leurs personnages d’aubergistes plutôt fantaisistes.

 

Grâce aux animations, les exploitants de Lille battirent des records en février 1955 avec 49.384.405  francs de l’époque en recettes. Il faut dire que ce début d’année avait apporté les films qu’il fallait. Le Capitole programmait «les diaboliques», le Ritz,  «le pain vivant», tandis que le Caméo projetait «les pépées font la loi» et le Bellevue, «Marianne de ma jeunesse». En fin de mois, le Caméo et le Bellevue proposaient en tandem « les chiffonniers d’Emaüs ». A cette occasion il y eut une soirée de gala en présence de Robert Darène le réalisateur accompagné de Yves Deniaux et d’autres interprètes du film. Rien que la dernière semaine du mois, les salles lilloises rassemblaient   81 687 spectateurs.

 

           LC787-Lille-Metropole.jpg Dans les années soixante-dix, il y avait le Cinéac, rue Faidherbe ; le Métopole, rue des ponts de comines ; l'Omnia, rue Esquermoise, Le capitole, le Familia, le Régent, le Rexy, le Caméo, le Cinéchic, rue de Béthune, le Ritz et le Bellevue sur la grand' place, l'Arc en Ciel à Wazemmes, le Splendid à Fives.  Alors que le Cinéac, le Ritz et l'Arc en Ciel disparaissaient, le capitole fut transformé en un complexe de deux salles ; le Familia devint le Gaumont avec huit écrans, le Régent se spécialisa dans les films pornographiques avec deux salles ; Le Rexy devint l'Ariel avec six écrans, le Caméo fut baptisé Pathé avec trois salles et le Cinéchic devint un complexe de deux et s'appela le Concorde. Le Métropole qui appartenait à M. Rochon fut d'abord transformé en deux salles, puis trois, puis quatre. Les bureaux de Paris Nord Distribution, dirigé également par M. Rochon, se trouvait aux étages du Métropole. M. Diamin, qui était le représentant de cette société, disait que bientôt ils feraient un cinéma dans son placard, tant la quatrième était petite. L'Omnia ne fut pas aménagé. Dans un premier temps il programma des films de série B, puis il se spécialisa dans les films pornographiques. Pendant une vingtaine d'années, par le biais de cette programmation, l'Omnia fut le cinéma le plus rentable de Lille. Le Bellevue fut repris par le Furet du Nord pour agrandir le magasin.

 

            L'Ariel était devenu un cinéma particulièrement désagréable.LC788-Lille-Cameo.jpg Des placeuses acariâtres prenaient les billets, accompagnaient les clients jusque la porte de la salle, réclamaient un pourboire pour un service non rendu, car elles retournaient vite à la caisse pour ne pas rater le suivant. Ceux qui ne donnaient rien se faisaient engueuler. Le seul côté positif, c'est que certains s'amusaient à les provoquer. Cela donnait quelquefois l'occasion de superbes pugilats verbaux.

 

            Le Splendid alternait des projections et des concerts tout en conservant son style rétro.

 

            Dans les années quatre-vingt-dix eut lieu une nouvelle mutation avec l'arrivée des multiplexes. UGC, qui avait déjà l'Ariel et le Concorde, reprit le Pathé pour créer son Ciné Cité. Gaumont abandonna la partie. Le Capitole et le Régent étaient déjà fermé depuis plusieurs années et remplacés par des magasins. Combret avait créé les Arcades dans la rue de Béthune. Ce cinéma devint le Majestic et fut reprit par Michel Vermoesen pour une programmation Art et Essai, tout comme le Métropole.

 

 

            Après les trente-cinq heures, Madame Aubry a décidé de faire profiter de ses talents aux Lillois. Très rapidement, ceux-ci ont mesuré l’ampleur des risques. Dans le courant de l’année 2001, avant la débâcle d’avril, une rumeur circule au sujet d’un nouvel aménagement du marché de Wazemmes.

 

            Madame Aubry avait un bon ami à Paris qui possédait desLC771-Lille-Concorde.jpg salles de cinéma et distribuait des films « art et essai » : Marin Karmitz. Celui-ci avait déjà aménagé des cinémas dans des marchés couverts à Paris. « Mes deux gins » comme on dit par chez nous, décidèrent de s’entendre dans le plus grand secret. Il s’agissait de transformer le marché de Wazemmes en multiplexe. Seulement, il y avait déjà à Lille un exploitant d’Art et Essai dynamique en la personne de Michel Vermoesen, propriétaire du Métropole, rue des Ponts de Comines. Plutôt que de se mettre en concurrence avec lui, les deux compères décidèrent de l’inclure dans leur projet. Malheureusement, un journaliste de La Voix du Nord plus malicieux et perspicace que les autres avait eu vent de la rumeur. Il contacta Michel Vermoesen pour avoir des informations en prétendant être envoyé par la mairie de Lille. L’exploitant n’y voyant pas malice donna toutes les informations que le journaliste voulait avoir. Leur diffusion dans la presse eut l’effet d’une bombe. Les habitant de Wazemmes n’aiment pas que l’on prenne des décisions les concernant sans leur demander leur avis. Et surtout, ils détestent qu’on essaye de les tromper. Aussitôt, ils se sont mobilisés, se sont serrés les coudes pour lutter contre ce projet. Le maire de Lille déstabilisée par ces réactions jugea bon lors d’un conseil municipal de préciser « qu’il ne serait pas question de passer des films en noir et blanc huit heures par jour ». Ouf ! Wazemmes avait droit à la couleur… Une pétition a recueilli dix milles signatures en faveur des opposants. Lors d’une réunion houleuse début février, Danielle Poliautre représentante de la mairie était prise à partie.

 

            Monsieur Karmitz était présenté par La Voix du Nord comme l’homme qui «savait mener la fronde» et comme celui qui «sait se faire militant quand il défend une cause qu’il croyait juste». Mais les gens de Wazemmes, comme les Gaulois du village d’Astérix étaient déterminés à ne pas se laisser faire et le frondeur a été obligé d’abandonner le champ de bataille.

 

Le prochain «militant» qui voudra réaliser un projet à Wazemmes aura tout intérêt à consulter les habitants du quartier.LC487-Lille-001.jpg

 Le Gaumont et le Régent quelques heures avant leur destruction

 

 

Bibliographie

·         Daniel Granval et Olivier Joos, Les cinémas du Nord-Pas-de-Calais de 1896 à aujourd'hui, Club cinéma de Merville - 2005 (Livre dont est extrait ce texte).

·         Jean-Jacques Meusy, Cinémas de France 1894-1918, Arcadia éditions - 2009

·         Jean Vindevogel, Wazemmes de ma jeunesse, auto édition

·         Barnabé Mons, «l’art d’aller au cinéma - Le Méliès et ses spectateurs à l’heure des multiplexes ». (Mémoire de maîtrise ethnologie - juillet 1999.)

·         Barnabé Mons, «la Bienséance - Etude de publics dans deux établissements cinématographiques de la métropole lilloise : Kinépolis/Majestic ». (Mémoire DEA de sociologie - octobre 2000)

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