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28 février 2018 3 28 /02 /février /2018 21:42
Dany Boon et les ch'tis

Alors que "La ch'tite famille", de Dany Boon, remet au goût du jour les ch'tis et leur langage, j'ai pensé opportun de reproduire ici, ce que j'ai écrit il y a dix ans dans mon livre "Les tournages de films dans le Nord et le Pas-de-Calais.

 

Pour être un enfant du pays, Dany Boon en est un vrai ! Originaire d’Armentières, il a largement contribué dans ses sketches, à mettre le Nord en scène. Après « la maison du bonheur » qui ne marquera pas les anales de l’histoire du cinéma, il a situé l’action de son deuxième film dans sa région natale. « Bienvenue chez les Ch’tis » relate l’histoire d’un postier du sud muté à Bergues, près de Dunkerque, pour des raisons disciplinaires. Il découvre le Nord – Pas de Calais et se débarrasse de ses préjugés.

 

Le casting qui a été organisé pour recruter les figurants a eu un succès inattendu. Neuf cent candidats s’y sont présentés. Bon nombre d’entre eux ont figuré comme participants à un mariage qui fut mis en scène dans l’église de Bergues.

Mais pourquoi Dany Boon a-t-il choisi une ville située dans les Flandres où le patois n’y est pas employé et si peu caractéristique des Ch’timis ? Sans doute avait-il ses raisons. Cette ville possède avec ses remparts, un cachet pittoresque. Les mentalités y sont plus proches des Dunkerquois qui reflètent bien le côté accueillant du Nord. Mais les remparts, on ne les voit pas dans le film ! Sans doute faut-il chercher la raison ailleurs. Adalbert Carrière était autrefois carillonneur à Bergues. Il était le grand-père maternel du réalisateur. Le petit Dany allait souvent là haut, voir jouer son aïeul. Il me paraît donc raisonnable de supposer que les souvenirs d’enfance ont créé suffisamment d’attaches sentimentales avec cette bourgade pour décider d’y poses ses caméras. L’aspect logistique n’est certes pas à négliger. Pour le scénario, il fallait une petite ville où les gens se côtoient facilement. Il fallait pouvoir bloquer la circulation pour des journées ou des nuits entières. Bergues est située à l’écart des axes routiers. La position du Beffroi par rapport au centre ville, facilitait la tâche des techniciens. Certaines scènes ont également été tournées à Lille, Bruay-La-Buissière, Douai et Lens. Quand Antoine Bailleul joue du carillon, il est dans celui de Douai qui est plus ancien. Celui de Bergues, détruit par les Allemands en 1944 a été reconstruit en 1961. Sa construction récente, le rend plus banal. La scène où les protagonistes emmènent l’épouse de Philippe Abrams pour simuler un Nord misérable a été filmée dans un quartier destiné à la démolition dans l’ex bassin minier. L’équipe de tournage a investi le stade Bolaert pendant un match de football. Les supporters y chantaient « Les corons ». Les joueurs ont refusé d’aller quelques minutes sur le terrain en dehors du match qui n’a pu être filmé. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas de plans de la rencontre. Quant à la poste, un ancien bâtiment d’EDF a été utilisé pour les extérieurs, tandis que les scènes d’intérieur étaient filmées en studio.

 

Tout comme Peter Falk qui avait cherché la voiture de Columbo dans une casse, les décorateurs du film se sont présentés chez Hedimag à Hazebrouck pour dénicher la friterie Momo. C’est parmi deux épaves mises au rebus qu’ils ont trouvé leur bonheur. Depuis, cette baraque à frites a entamé une nouvelle carrière. Depuis la sortie du film elle fait la tournée des stades lors des manifestations sportives.

 

 

ON GARDE LA SOIREE SPECIALE, LE TGV MAIS PAS L’BARAQUE A FRITES

 

Une vive polémique a fait parler du film « Bienvenue chez les ch’tis », une dizaine de jours avant sa sortie dans le Nord. Daniel Percheron, Président du Conseil Régional, a présenté au vote des élus, une dépense de 600 000 € dans le but de profiter de la sortie de ce film évènement pour lancer une campagne promotionnelle de la région. Notamment, une soirée spéciale était prévue pour une avant-première le 18 février au Nouveau Siècle à Lille. Un TGV a été affrété pour amener l’équipe du film de Paris. Une baraque à frites sans frites devait être installée sur le quai de la gare.

 

De nombreux élus se sont opposés à ce projet. L’UMP, les verts, les communistes, soutenus par deux centristes se sont alliés pour voter contre, tandis que les socialistes obtenaient l’appui du Front National en faveur du projet. Un nouvel exploit pour Dany Boon qui montrait ainsi une grande capacité à faire valser les couleurs. Le communiste Eric Renaud, estimait qu’il s’agissait d’un cadeau à Pathé productions. Il posait la question de savoir si Dany Boon n’utiliserait pas une partie de cet argent pour se payer de bonnes vacances avec son grand ami Arthur ? Outre, cette réflexion d’un goût douteux, il eut le mérite de suggérer que la région achète plutôt cent mille places de cinéma pour que les familles défavorisées puissent voir le film. Il est vrai que Percheron avait trouvé un argument solide : si la région verse chaque année 400 000 € pour le Paris - Roubaix qui valorise « l’enfer du Nord », pourquoi pas 600 000 € occasionnels pour un film qui en fait la promotion ? Mais qu’est-ce qui oblige Percheron à donner une telle somme pour le Paris – Roubaix, alors que le livre que vous lisez ne touchera pas un centime du Conseil Régional ?

 

Finalement, la version initiale a été modifiée. La soirée spéciale et le TGV furent maintenus mais nous ne savons pas ce qu’il advint de l’baraque à frites. Par contre des droits à l’image ont été achetés au producteur pour réaliser des spots de promotion en faveur de la région.

 

DANY BOON A SNOBE LES SALLES DE PROXIMITE

 

Ce qui est plus regrettable que cette histoire de choix politique dans la promotion de la région, c’est l’absence du réalisateur dans les petites salles de proximité. Elles ont été nombreuses à le solliciter mais ce sont les multiplexes : Hénin Beaumont, Lille, Coquelle, Liévin, etc. qui ont bénéficié de sa visite lors d’avant premières qui se sont faites en janvier. Cela est d’autant plus étonnant de la part de Dany Boon, qu’il a fait lui-même l’expérience avec « Joyeux Noël » que les petits cinémas comme Saint Pol sur Ternoise étaient capables d’attirer du public lorsqu’on leur faisait confiance.

 

Il y a eu jusqu’au cinéma « Les Etoiles » à Bruay qui n’a pas pu obtenir le film avant la deuxième semaine nationale, pendant que plusieurs copies tournaient dans le multiplexe voisin. Et encore, il a fallu que l’exploitant se fâche. Mais là, le réalisateur n’y est pour rien.

 

MEDAILLE D’OR POUR LES CH’TIS, MEDAILLE D’ARGENT POUR LES GAULOIS

 

Dès la première semaine consacrée en avant première mondiale dans le Nord – Pas de Calais, le film a déclenché un raz de marée de cinq cent mille spectateurs vers les salles de la région. Cela ne s’était jamais vu. Les cinémas qui pratiquaient les réservations ont fonctionné toute la semaine à guichets fermés. Les records établis par Titanic en 1998 ont été pulvérisés dans le Nord. Le succès s’est confirmé la semaine suivante pour la sortie nationale : Plus de cent treize mille entrées à Paris le premier jour et 558 359 pour la France, dépassant allégrement la grosse machine bassement commerciale « Astérix aux jeux olympiques » qui avait réalisé 464 000 entrées le jour de sa sortie, quelques semaines plus tôt, grâce à une campagne de promotion exceptionnelle. Pour « Bienvenue chez les ch’tis, le bouche à oreille a fonctionné avec la plus grande efficacité. Ainsi, les ch’timis ont été plus forts que les Gaulois, et sans potion magique, quoique … il y a quand même le Genièvre !

 

EFFETS SECONDAIRES POSITIFS ET NEGATIFS DE LA CH’TI MANIA

 

Grâce à Dany Boon, le Ch’ti est devenu un label. La bière qui en porte le nom et qui apparaît dans le film a décuplé ses ventes au point de frôler la rupture de stock.

 

A Bergues, on attend beaucoup plus de touristes qu’habituellement. Un circuit spécial, montrant les lieux de l’action du film et commenté par des anecdotes du tournage a été mis en place. Mais il y a eu aussi la déconvenue du maire qui a vu disparaître un des panneaux d’entrée de la ville, emporté par un spectateur quelque peu trop enthousiaste.

 

Le carillonneur officiel de la ville était adjoint au maire. Il a créé une liste dissidente à l’occasion des élections municipales de mars 2008. Sa participation au film était une promotion idéale pour sa candidature.

 

Il paraît que « biloute » apparaîtra dans l’édition 2009 du « Petit Robert ».

 

COMMENT EXPLIQUER LE SUCCES DE « BIENVENUE CHEZ LES CH’TIS » ?

 

Il y a d’abord une excellente stratégie employée par Pathé. La semaine en avant première nordiste a fait parler du film et mis les spectateurs en appétit. Il y a aussi et surtout un bon scénario avec beaucoup d’humour, mais également de la tendresse. Il s’agit d’un film humaniste. Dany Boon a joué au théâtre « Le dîner de cons ». Il a ainsi profité du « savoir faire de Francis Weber d’une part et de celui de Raymond Devos avec qui il s’était lié d’amitié, d’autre part.

La queue au cinéma de Merville pour aller voir "Bienvenue chez les Ch'tis"

Les années 2007 et 2008 correspondent à une période morose. Les libertés se réduisent comme peau de chagrin, tout comme le pouvoir d’achat. Dans ces moments là, la population a besoin de se distraire. Hors, qu’avons-nous eu comme bonne comédie française depuis un an ? Néant ! Pourtant c’est un genre dans lequel nous excellons. Ce sont nos comédies qui sont le plus plagiées par les américains. A l’heure où j’écris ces lignes, j’espère que le succès de Dany Boon incitera les producteurs de notre pays à produire ce genre de films pour leur permettre de retrouver un public qui a commencé à déserter les salles en 2007.

 

QUELQUES CHIFFRES

 

  • 500 000 entrées pour la semaine régionale, soit deux à trois fois plus que les gros succès comme « Harry Potter » ou « Spiderman ».

  • 63 733 spectateurs en une semaine au Kinépolis de Lomme ; 3 300 à l’Espace Robert Hossein à Merville ; 2 200 à Saint Pol sur Ternoise. 4 100 entrées au Flandria de Bailleul en deux semaines, environ 2 000 spectateurs n’ont pu entrer dans cette salle faute de places. Toutes les séances étaient complètes.

  • 558 359 entrées le premier jour de la sortie nationale.

  • 113 000 spectateurs le premier jour à Paris.

  • 90 % des entrées réalisées par le Pathé de Lievin le dimanche.

 

LEXIQUE CH’TIS

 

Caillèle ou caillère : chaise.

Marone : Pantalon.

Wassingue : Serpillière.

Veit ou ravisse : Regarde.

Cassis : Châssis.

Cat : Chat.

Frod : Froid.

Cauffer : Chauffer.

Carabistoules : Des histoires.

Saques ed’dins : Vas y fonce.

Braire : Pleurer

Ronguer : Ronger.

Eun drache : la pluie

Tin : Ton.

Ti : Toi.

Mi : Moi.

Ichi : Ici.

Quien : Chien.

Bouque : Bouche.

Chicon : Endive.

Quind : Quand.

Té : Tu.

In diro : On dirait.

Canter : Chanter.

Queire ou Querre : Chercher.

Quière : Tomber.

Quier : Cher.

 

Exemples :

 

Veit ch’cat qui ch’cauffe chu ch’cassis. Si ch’cat y ch’cauffe, ch’est que ch’cat y a frod.

« Regarde le chat qui se chauffe sur le châssis, si le chat se chauffe, c’est que le chat à froid. »

 

Quind té ris in dirot qu’té cantes et quin té cantes, in dirot qu’té ris.

« Quand tu ris on dirait que tu chantes et quand tu chantes, on dirait que tu ris. »

 

Y raconte des carabistoules.

« Il raconte des histoires ».

 

Va queire eune bière et l’laiche pas quière pace que ch’es quièr.

« Vas chercher une bière et ne la laisse pas tomber parce que c’est cher. »

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