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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 12:36

Certains appellent Bailleul « Le Hollywood des Flandres ». Outre le fraudeur de Léopold Simons dans les années trente, les films les plus médiatisés sont les œuvres de Bruno Dumont « La vie de Jésus » et « L’humanité ». Le premier attirait une foule considérable au Flandria. Les Bailleulois étaient curieux de voir comment était représentée leur ville dans un long métrage. La salle était comble lors d’un débat avec le réalisateur. La discussion dura plus d’une heure et demie. Le second attira moins de monde, mais le cinéma de Bailleul enregistra quand même l’un des meilleurs scores du film. Il faut dire que malgré les récompenses Cannoises, et notamment les prix d’interprétation pour Séverine Caneele et Emmanuel Schotté, « L’humanité » n’a pas connu un succès public. Il a réalisé moins d’entrée en France que « La vie de Jésus ». Le film fut présenté lors de l'édition 1999. Je suis allé le voir à la séance du matin avec la journalistes. C'était la première séance du film et le réalisateur assistait discrètement à la projection. L'interprétation ringarde des acteurs déclenchait des éclats de rire dans la salle. Bruno Dumont ne s'attendait pas à ces réactions du public. Plus tard, il dira qu'il avait volontairement orienté le jeu des interprètes dans ce sens. Lorsqu'il présenta son film à Bailleul, je lui suggérait de se lancer dans la comédie. Je pense qu'il a des talents pour cela. J'ose penser que j'y suis peut-être un peu, pour quelque chose dans l'orientation actuelle de ses œuvres. Lors de cette 52ème édition de la célèbre manifestation, il semble qu'il y ait eu des frictions entre David Cronenberg, le président du jury et Gilles Jacob, le délégué général du festival. C'est la raison qui semble jusifier l'étrange décision du jury au niveau des prix d'interprétation à Séverine Caneele, ex æquo avec Emilie Dequenne, et Emmanuel Schotté. Le réalisateur réitéra à nouveau avec « Flandres ». Il vint à nouveau à Bailleul pour un débat. Cette fois, la salle était bien garnie, mais pas pleine. Bruno Dumont s'inquiétait de voir arriver FR3 qui m'avait contacté dans la journée. Il semblait vouloir les éviter... Il était accompagné de plusieurs acteurs du film, dont un Mervillois notoirement connu aujourd'hui pour de nombreux actes de délinquance. Il est habitué aux séjours de cure à Sequedin1. Après la projection, juste avant de commencer le débat, je perçus dans le hall, une odeur particulière de « merde herbicide ». Il était allé fumer un joint dans les toilettes. J'invitais Bruno Dumont à s'occuper de son lascar s'il voulait éviter que je le mette dehors.

 

Le fraudeur de Léopold Simons

Un autre succès mérite d'être souligné. Daniel Najberg, qui est connu pour être parmi les plus grands collectionneurs cinéma de France, s'était procuré deux films de Léopold Simons : « Le fraudeur » et « Le mystère du 421 ». Les copies étaient en nitrate. Il les confia aux archives du film où elles furent développées sur des copies conventionnelles. Grâce au soutien du Centre National de la Cinématographie et la participation de l'association Toudis Simons, l'Amicale des douaniers, et bien évidemment Daniel, nous avons eu le plaisir de projeter « Le fraudeur » les 9 et 10 octobre 1999. La projection fut suivie d'un débat animé par des anciens douaniers et... des anciens fraudeurs. Là aussi nous avions rempli la jauge.

 

L'exposition « Cinémaréchaussée » que nous avions découvert à Cannes présentait les gendarmes au cinéma. Les Bailleulois ont pu la découvrir dans le hall de leur mairie, après que le Club Cinéma l'eut présentée à l'ECRH à Merville.

 

Lorsque le film « Lucie Aubrac » est apparu sur les écrans français, les adolescents du Conseil Municipal des jeunes ont décidé de contacter l’héroïne du film pour l'inviter à Bailleul. Une rencontre avec Lucie Aubrac eut lieu après la projection. Le maire, Jean Delobel, prit le premier la parole et y alla de sa verve habituelle. L'intervention de Lucie Aubrac fut des plus passionnantes. Malgré son âge avancé elle n'avait pas perdu son énergie et son courage en animant le débat qui se prolongea tard dans la soirée, et durant lequel elle martela son principe de faire valoir son droit à la désobéissance quand c'est nécessaire.

 

Quand on a remarqué que des Juifs et des Allemands

fuyaient leur pays avant guerre, on ne s'était pas

posé de questions. Après, il était trop tard.

(Lucie Aubrac)

1Prison dans la banlieue de Lille

 

Notre ouverture aux diverses et fréquentes sollicitations que nous recevions pour ce genre de manifestations fréquentes contribuait à la bonne réputation du cinéma de Bailleul.

 

Le Flandria obtenait de bons résultats. L'objectif des 13 000 entrées fixé en 1991 était largement dépassé. Nous avions atteint 21 320 spectateurs en 1997.

 

Dans les années 80, Jack Lang avait créé l'ADRC (Agencre pour le Développement Régional du Cinéma). C'était une excellente initiative qui permettait aux petits exploitants d'obtenir des films porteurs plus rapidement. Chaque région avait un délégué qui nous contactait pour établir la programmation des copies supplémentaires, financées par cette agence. C'est à Michel Vermoesen que fut attribué cette responsabilité. Il passa le relais quelques années après à Henri Descamps, le président du syndicat. C'est son épouse Nicole qui se chargeait de nous contacter. Ce système fonctionnait très bien et constituait un soutien précieux pour les petits cinémas. C'est aussi dans ce cadre que les petits exploitants pouvaient bénéficier d'une aide sélective pour faciliter leurs investissements. C'est ce système qui permit également aux communes de financer la reprise de cinémas, faisant de la France le pays le mieux équipé. Je crois bien que ça a été la seule et unique démarche efficace en faveur des petites exploitations. Malheureusement, quand quelque chose fonctionne bien, il y a toujours des intellectuels au cerveau bourré de scorpions qui décident de le réformer. C'est ce qui se produisit dans les années quatre-vingt-dix. Je me suis insurgé contre cette nouvelle formule de l'ADRC qui, pour moi, était devenu un service d'aide à la programmation de films destinés aux salles Art et Essai. Je n'avais pas besoin d'un soutien pour accéder à ces films. Ce qu'il me fallait, c'était obtenir les films porteurs rapidement pour engendrer des recettes qui me permettaient, non seulement d'équilibrer confortablement mon budget, mais aussi de pouvoir programmer à perte les films qui me permettaient d'accéder au classement Art et Essai. En outre, j'étais membre de l'AFCAE (Association Française des Cinémas Art et Essai), et je trouvais que cette association effectuait un bon travail pour permettre aux cinémas qui le voulaient d'obtenir le classement. Cerise sur le gâteau, le directeur de cette nouvelle usine à gaz qui venait d'être créée, était un ancien employé d'un distributeur qui ne se gênait pas pour enfoncer les petites salles avec des minimums garantis élevés. Ma colère était si grande, que le jour où j'ai reçu une invitation pour participer à une assemblée générale de l'ADRC, je leur renvoyai leur formulaire déchiré. Ce geste en outragea plus d'un et eut pour conséquence, une réprimande de Delobel qui n'appréciait pas que j'agresse ses amis « socialos ». Cela fit germer, dans la tête d'Henri Descamps, l'idée de me faire prendre des responsabilités au syndicat. Je pense qu'il trouvait en moi un petit quelque chose de sa jeunesse. C'est ainsi que je me retrouvais dans la commission « petite exploitation » à la Fédération Nationale des Cinémas Français, et plus tard dans celle de « l'Education à l'Image ». A plusieurs reprises, je fus invité à participer à la commission de classement des salles Art et Essai. Ça ne servait pas à grand chose, mais ça donnait un petit air de démarche participative. Il en était de même pour les commissions à la FNCF où on ne brassait que du vent, mais j'y restais quand même. C'était agréable d'aller faire un tour à Paris, tous frais payés.

 

J’eus aussi la surprise d'apprendre que j'étais vice-président de la Chambre Syndicale des Directeurs de Cinémas de la région Nord-Pas-de-Calais, sans avoir jamais postulé à ce poste. Bernard Coppey était le trésorier... Je n'avais jamais assisté à un Conseil d'Administration, mais c'était ainsi. Il y avait bien une Assemblée Générale chaque années, mais on n'y faisait pas d'élections. L'ordre du jour consistait à nous transmettre des informations venant de la fédération.

 

Dans le courant de l'année 1997, j'étais invité par une association d'Armentières pour participer à un débat, suite à la fermeture du Rex. Ce cinéma, ouvert en 1936, avec une capacité de 875 fauteuils, réussit à s'adapter à la vague des complexes en se transformant en cinq salles dans les années quatre-vingt. L'arrivée du Kinepolis à Lomme lui fut fatale. Il ferma ses portes définitivement le 9 février 1997, avec dans sa programmation un film de circonstance « Tout doit disparaître ». Armentières, ville de plus de 20 000 habitants se retrouvait sans cinéma. C'était une honte pour la commune. Je me retrouvais à la tribune à côté d'Henri Descamps. Nous étions là pour démontrer qu'un cinéma était fiable à Armentières. L'expérience de Bailleul en était une démonstration. Malheureusement, les élus de la ville n'ont pas souhaité s'engager dans un tel projet. Armentières resta donc un désert cinématographique durant une quinzaine d'année, jusqu'à l'ouverture d'un nouveau multiplexe à quelques dizaines de mètres de l'ancien.

 

En 2002 j'avais assisté, avec Daniel et Masako, à une projection de «Polissons et galipettes». Il s’agissait d’une compilation de petits films pornographiques des années vingt, récupérés chez un collectionneur. Le Flandria proposa ce film dans sa programmation du 26 au 29 septembre de la même année. Il y eut pour l’occasion un partenariat avec le journal local, l’Indicateur des Flandres. Il était demandé aux lecteurs d’envoyer une phrase comportant les mots «polissons» et «galipettes». Les auteurs des dix meilleurs textes reçurent une place gratuite pour aller voir le film. Voici quelques oeuvres que nous avons reçues de la part de polissons et de... polissonnes.

 

- Pour faire des galipettes, choisissez avec soin votre polisson, accommodez à la sauce poulette, et consommez sans modération.

- Les hommes honnêtes et polis sont polissons dans leurs galipettes.

- Quelque soit la saison, jupettes, salopettes et caleçons, tous à l’unisson, petits polissons, faisons des galipettes sous les frondaisons ou sur la carpette, cela jusqu’à « perpette » et que vive... la quéquette !

- Mon gros chaton, tendre polisson, rien ne t’arrête quand tu fais des galipettes sous la couette avec moi, ta nénette. Tu perds un peu la tête, mais je te répète : que c’est chouette de me faire aussi la fête. Signé : ta minette (de Wallon).

- Polissons et polissonnes, galopons à coup de galipettes sur les « polipettes » « galissonnes ».

- Pendant les galipettes, glapissons ! Et les polissonnes polies seront.

 

Et le meilleur de tous :

- Ce polisson de juge se présenta devant le curé, non pas pour se confesser, mais pour une partie de galipettes comme savent si bien le faire les gens de robe.

Le Hollywood des Flandres

Grâce à la politique des contrats aidés, l'équipe du Flandria s'est étoffée au fil des ans. Cela permettait au salarié à temps plein de bénéficier de congés en week-end. Malheureusement Guillaume restait immature. Il se sentait protégé par le maire, et de ce fait par tout ceux qui évoluaient au sein ou autour de la municipalité. Ça ne le motivait pas pour progresser. J'avais plus de difficultés à gérer les deux ou trois salariés du cinéma de Bailleul que les quelques dizaines sur mon lieu de travail. Un incident m'offrit la possibilité de me débarrasser de cette charge. Une projection débat d'un film africain avait été organisée en présence du réalisateur. Ce soir là, Guillaume était en congés. C'est Sébastien, un bénévole, qui le remplaçait pour la projection. Pascale, la responsable de l'association de jumelage avec un village du Togo, présenta le film et les actions menées par son association. Après cela, la projection commença et s'arrêta aussitôt. Sébastien me fit appeler pour que je le rejoigne à la cabine. Il m'expliqua qu'il avait entendu un claquement et que la projection s'était arrêtée. Il avait eu le réflexe de couper le moteur aussitôt. L'appareil n'avait pas été entretenu et il n'y avait plus d'huile. C'est Guillaume qui était chargé de l'entretien du matériel. Après avoir rempli le carter, Sébastien essaya de remettre l'appareil en marche, mais celui-ci était bloqué. Il nous a fallu appeler le dépanneur qui ne pouvait pas être sur place avant un délai d'une heure. La plupart des spectateurs, de bonne composition, ont accepté d'attendre. Nous sommes allés commander des boissons au restaurant d'en face et nous leurs avons offert une consommation. Le dépanneur arriva comme prévu et remis l'appareil en état de fonctionner. Il félicita Sébastien de son réflexe. S'il n'avait pas été aussi réactif, nous n'aurions plus eu de projecteur. La projection repris avec une heure de retard. Furieux de cet incident, je confiais la responsabilité de la cabine à Sébastien qui s'engagea à entretenir le matériel régulièrement. J'informai le maire de cette mésaventure. Pour lui, dans une réponse qu'il me fit le 7 avril 1998, il n'y avait rien à reprocher à son petit protégé. Je n'insistais pas.

 

Quelques mois plus tard, nous avions une sortie nationale pour un gros film de la Columbia : « Godzilla ». Je voulais éviter de mauvaises surprises comme ce fut le cas pour le film africain. Je rédigeai une note de service par laquelle je confiais la responsabilité de cette opération à Sébastien et Laurent. Guillaume alla pleurer dans le giron de papi qui, pris d'une poussée d'adrénaline, piqua une colère et m'envoya une lettre dithyrambique par laquelle, balayant d'un revers la convention signée quelques années plus tôt, il me rappela qu'il était le patron, et qu'il envisageait même de tancer sérieusement Laurent pour son intervention, dite « intempestive » lors du tournage de « l'humanité » de Bruno Dumont. Laurent s'était manifesté auprès de l'équipe de tournage qui bloquait les rues et empêchait l'accès des spectateurs au cinéma pour une séance programmée au même moment. Nous n'avions pas été prévenus des difficultés d'accès envisagées à ce moment là.

 

Pour le maire donc, « Monsieur Guillaume D. » était le seul responsable en titre. A ce moment là l'envie me pris de m'escamper et de m'éloigner de ces chicaneries. Je me rendais compte qu'il était inutile de gloser, mais je trouvais une solution bien plus intéressante pour moi. J'étais lassé des frasques continuelles et de l'impuissance que je ressentais à résoudre ces difficultés. La liste des bévues rencontrées serait trop longue à énumérer et déplaisante pour le lecteur. Je fis donc savoir au maire que, puisqu'il était le patron, que mes décisions ne comptaient pas et qu'il refusait d'admettre les erreurs de son protégé, je retirais de mes responsabilités la gestion du personnel. Je gardais ce qui était agréable pour moi et qui m'apportait du plaisir. Je leur laissais les désagréments. Et là, il s'est passé quelque chose d'ubuesque. La gestion du personnel du cinéma Flandria de Bailleul, salle associative, fut confiée à du personnel municipal. C'est Pascale et Hélène du service Culture et Jeunesse qui furent chargées de cette corvée. Nous verrons dans un prochain chapitre que cette décision eut des conséquences qui provoquèrent la fin de l'OMJCEP. J'étais partagé entre une grande hilarité et un énorme soulagement. Il m'incombait les taches qui me plaisaient : programmation, animation, gestion financière. Les années qui suivirent furent beaucoup plus agréables pour moi au Flandria.

 

Au début des années quatre-vingt dix, Michel Vermoesen, qui dirigeait les productions « Cercle bleu », recherchait des figurants pour danser devant le moulin de Boeschêpe à l'occasion du tournage d'un téléfilm avec Ronny Coutteure : Baloche. Je mobilisais plusieurs adolescentes et leurs éducatrices de l'établissement de Noeux les Mines, où je travaillais, ainsi que plusieurs personnes en lien avec le Flandria de Bailleul. J'y participais moi même avec ma compagne. Nous avons ainsi vécu l'expérience d'un tournage où l'on s'aperçoit que les temps d'attente sont beaucoup plus longs que les temps d'action. Tout cela pour paraître une ou deux secondes en arrière plan. Nous avions ainsi tout le loisir d'observer l'un des comédiens, en pleine confusion avec son rôle, qui draguait à outrance les deux actrices. Pour ma copine Maryse se fut encore plus cocasse. Elle et son compagnon pratiquaient la danse de manière intensive. Elle s'imaginait qu'ils seraient remarqués et mis en vedette. Mais le réalisateur ne voulait pas des experts de la danse, mais de simples danseurs, comme dans les bals populaires. Ils ont dit à Maryse qu'ils n'avaient pas besoin de ses talents de danseuses. Par contre, ils lui ont demandé de bien vouloir mettre sa voiture à disposition pour la filmer dans un parking. Maryse et son ami sont donc restés toute la journée pour qu'on filme leur véhicule.

 

La semaine suivante, une autre scène devait être tournée à Lille, dans une salle. Michel me proposa de revenir avec les jeunes de Noeux-les-Mines. Ce jour là il faisait très chaud et l'équipe de production n'avait pas prévu de bouteilles d'eau comme la fois précédent à Boeschêpe. La scène représentait une salle de bal. Il y avait un bar. Laurence et moi, nous sommes présentés à ce bar pour nous nous hydrater. On nous refusa les boissons. « Mais nous voulons bien payer, leurs dis-je. » Même en payant cela nous fut refusé. Je ne tenais plus, j'avais trop soif. Nous nous sommes éclipsés du tournage. L'avantage d'être figurant, c'est qu'on ne nous remarque pas. Nous sommes allés nous désaltérer en ville et nous sommes revenus incognito. A notre retour, il y avait le tournage d'une scène durant laquelle il fallait acclamer Gérard, le personnage principal incarné par l'acteur dragueur. Nous y avons mis beaucoup de joie et d'énergie en constatant que le comédien, toujours dans la confusion avec son personnage, prenait les acclamations pour lui. Don Saluste en aurait été jaloux.

 

Les filles de Noeux-les-Mines sont reparties très heureuses quand elles ont appris le montant du cachet qu'elles avaient obtenu pour ces deux prestations.

Invitation pour une séance en sélection officielle de "L'humanité" à Cannes

Invitation pour une séance en sélection officielle de "L'humanité" à Cannes

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