Les réouvertures se feront à partir de 1919, comme ce fut le cas pour le
Parisiana, rue Gambetta. . Le Casino, rouvre le 23 février 1919. Il cherche à être « le plus beau et le plus important cinéma music-hall de la
région », en proposant cinéma, concert, numéros fantaisistes, etc.… C’est le faste et le plaisir qui dominent dans ce palace. De nombreuses autres salles ouvrent pendant cette période
comme par exemple le Cinéma des Familles, 18, rue des bois blancs en 1925, le Fives-Palace, 11, place Caulier en 1927 pour ne citer qu’eux… Au début des années vingt, il y avait douze
cinémas à Lille qui vendaient annuellement 1,9 millions de billets. Un peu moins de vingt ans plus tard en 1939, la ville possède 27 salles de
cinéma, allant du palace luxueux à la petite salle de quartier… C’est le Familia, 27, rue de Béthune qui se distingue par son luxe de toutes les salles. Inauguré en 1926 et dirigé par Edouard
Derop, c’est un véritable palais qui peut accueillir 1200 spectateurs par séance. L’immeuble de six étages de haut est abondamment décoré avec des frises, des statuettes, des dorures,
des lustres omniprésents… Le faste, le luxe, les
tentures sont partout. C’est la salle chic par excellence. On y entre par un vaste porche au-dessus duquel est inscrit le nom du cinéma. Outre la grande salle, l’établissement propose, pour
l’entracte, un fumoir pour les hommes, une belle et grande buvette, un magasin de confiseries, une chocolaterie… A partir de 1925, les grosses sociétés s’emparent des salles les plus
lucratives comme Pathé qui prend possession du Caméo, la Paramount qui va faire main basse sur le Familia tandis que la Métro s’accapare le
Rexy. Seul le Capitole reste indépendant.
Le syndicat des loueurs de films cinématographiques de la région du Nord organisait régulièrement des
projections pour les exploitants à Lille. Ainsi, ils étaient invité au Printania 5, rue d’Amiens à la vision du film « le 6e commandement », une adaptation du récit biblique de Sodome
et Gomorrhe présenté par l’union Eclair.
Le 30 novembre 1921 Monsieur Derop s'est vu retirer l’autorisation d’exploiter l’Eden rue de Béthune
et le Printania, rue d’Amiens pour ne pas avoir appliqué les consignes de sécurité de l’arrêté municipal du 21 octobre 1920.
Le 6 et 7 novembre 1926 a eu lieu le congrès régional du cinéma éducateur à Lille. Gaumont y tenait
un stand. Le samedi 6 après midi les cinémas Caméo, Printania, Familia, Omnia offraient gracieusement des places aux congressistes sur présentation de leur carte.
Certains quartiers se distinguaient particulièrement pour leurs activités
cinématographiques. Wazemmes et Fives comptaient respectivement six et quatre écrans. Le Mondial, rue Racine et le Palace, rue d’Iéna pouvaient
accueillir ensemble 1850 spectateurs. Le premier a été créé par Gustave Duthoit, un cabaretier qui remplissait régulièrement l’arrière salle de son estaminet, rue des postes. Il fit construire
cette salle magnifique en 1905. Ces cinémas appartenant à Monsieur Deconinck ont tenu le coup jusqu’au début des années soixante dix. Il y a eu aussi l’Omnia qui a ouvert en 1909, un an après
celui de la rue Esquermoise. Le Splendid et le Vogue se côtoyaient dans la rue Mourmant. Le Marivaux était situé rue de Wazemmes.
Le 27 novembre 1929 eut lieu la première projection d’un film parlant (film de la Paramount), au
Familia. Le public découvrit la voix de Maurice Chevalier. Outre les films, c’est aussi les premières actualités parlantes issues des vues Paramount.
En avril 1930, la fédération des unions de familles nombreuses et les associations familiales du Nord
de la France et les fédrations des unions des chefs de familles nombreuses protestaient contre le film « Séduction (Erotikon) ». Le propriétaire du film s’étant conformé aux
observations de la commission de contrôle avant de projeter son oeuvre, les protestations restèrent sans suites. Pour le président de la commission, il semblait que les protestataires se soient
éveillés avec quelques exagérations et qu’ils aient donné imaginairement une interprétation à des scènes dont ils conviennent qu’on ne voit pas la réalisation. La croix du Nord du 11 avril 1930
se fit écho de cette protestation et transcrit la lettre des défenseurs de la famille qui disait entre autres : ...séduction dans lequel sont tournés en
ridicule les pères et mères de famille et même l’enfant, en même temps que la morale la plus élémentaire est bafouée de façon non pas seulement indécente, mais bien catégoriquement
dégradante.
En mars 1936, le Capitole est contraint de retirer « La Garçonne »
par les étudiants de la catho.
Le journal « l’Enchaîné » avait critiqué les conditions de sécurité du Cinéma Mondial, rue
Racine. Dans un article du 16 septembre 1938, il disait : La direction est vraiment avide de bénéfices, non contente de tenir une buvette où il est
presque impossible de se faire servir, elle tient aussi une confiserie. Les spectateurs ne peuvent sortir (ce qui pourrait aussi faire vivre les commerçants avoisinants). Mais, fait plus grave,
s’il y arrivait un incendie, d’où une panique possible, il y aurait des victimes en masse, car dans les allées qui conduisent aux sorties, des strapontins y sont disposés, et l’on y ajoute même
des chaises. Il nous semble, pour la sécurité et le confort des spectateurs, qu’il faudrait un écartement dans les allées d’au moins 75 cm à 1 m. Que fait le service de sécurité des salles de
spectacles ? Suite à cet article, le commissaire Laroche fit une visite inopinée dans le cinéma de la société Deconninck, Scène et Baert dirigé par Monsieur Baert depuis quatre ans et demi.
Il constata une salle parfaitement conforme aux équipements modernes. Selon lui, le fait que les spectateurs qui sortent devant pour rentrer s’acquitter à nouveau du prix de la place lésait les
intérêts des cafés voisins. C’est ce qui aurait provoqué cet article de l’hebdomadaire. De plus Monsieur Baert avait refusé il y a quelques mois que se déroule dans son établissement un meeting
communiste, ce qui a probablement augmenté contre lui les ressentiments dans ce milieu.
Le 18 novembre 1938 des personnes qui se prétendaient un groupe de pères et
mères de familles, mais dont le courage n’était pas l’une des valeurs fondamentales envoyèrent une lette anonyme au préfet. Dans ce courrier, ils alertaient celui-ci sur les conditions de
sécurité dans les salles de cinéma. L’Omnia y était mis en cause pour l’étroitesse de ses accès et dégagements ainsi que le Réxy dont l’entrée était fermée par un rideau inflammable. La réponse
ne se fit pas attendre et quelques jours plus tard l’Omnia reçu la visite de la Commission de surveillance des salles de Spectacles. La commission demandait à son directeur d’élargir de 20
centimètres de chaque côté la porte d’entrée, de placer les éclairages de secours sous des grillages et d’afficher l’arrêté préfectoral du 7 janvier 1936. On lui demandait aussi de faire
construire un urinoir supplémentaire au rez-de-chaussée à proximité de la porte de secours. Etait-ce pour palier au manque de lances d’incendie ou pour améliorer le confort des braves pères de
famille ?
Le travail fourni par ces commissions et leurs recommandations ont, malgré les tracas imposés aux
exploitants, permit une modernisation des salles et surtout une mise en conformité des normes de sécurité pour que le plaisir de se rendre au cinéma ne soit pas une invitation à mourir. Les
salles de cinéma deviennent ainsi plus sûres.
1939, il y avait 27 cinémas à Lille pour 18700 fauteuils. L’Omnia était considéré comme le cinéma à
soldats. L’Eden salle voisine du Familia était surnommé le baisodrome. La conception de la salle facilitait la tâche aux amoureux. Il était déconseillé aux « femmes honnêtes » d’y aller
seules. le 30 mars de cette même année, un début d’incendie maîtrisé après avoir ravagé la cabine, eut lieu dans la cabine de projection au cinéma La Mauricienne 24, rue Véronèse. La foule,
composée essentiellement d’enfants, fut tout de même évacuée sans panique et sans blessé. La rue de Béthune était la rue des cinémas par excellence : 6 salles sur plusieurs centaines de
mètres : le Capitole au n° 21, le Familia au n° 27, l’Eden au n° 27 bis, le Rexy au 40 – 42 ouvert en 1933, le Caméo au 44 – 46 inauguré en 1926, le Cinéchic au 48 bis. Celle-ci, est la
première à avoir instauré le cinéma permanent à partir du 27 juillet 1939. Les spectateurs pouvaient entrer à n’importe quel moment et rester le temps qu’ils voulaient. C’est une véritable rue
dédiée aux divertissements et plus particulièrement au cinéma. En mars 1932, le Familia innove encore avec le cinéma permanent de 10 h 30 à 19 h 30 avant la grande séance de 20 h 30. D’autres
salles changent également de nom pendant cette période d’entre-deux guerres. Ainsi par exemple, l’Ozanam devient le Pax en 1936. Les salles se concentrent de plus en plus sur leur seule activité
cinématographique. Seuls deux établissements continuent en 1939 à proposer des attractions en complément à leurs séances de cinéma : il s’agit du Rexy et du Casino, 21 rue de la Bourse. Le
Rexy accueille aussi les grandes vedettes de l’époque : Tino Rossi en novembre 1936, Ray Ventura en janvier 1937… Rue des Ponts de
Comines s’ouvre un cinéma original dans la région. Il s’agit d’une salle entièrement dédiée aux vues d’actualité : le Lille-Act inauguré en
septembre 1935. Un an et demi plus tard, en janvier 1937, s’ouvre une seconde salle destinée à ne proposer que des actualités cinématographiques alors en pleine vogue : le Cinéac, 12-14 rue
Faidherbe, à l’emplacement de l’actuel magasin Tati. Ces deux salles qui proposent aux spectateurs de faire « le tour du monde en 60 minutes » appartiennent à un grand réseau national dirigé
par Réginald Ford et sont dirigés par M. Lothéal, domicilié à Paris. Le réseau de ces salles d’actualités est associé avec le Grand Echo, grand quotidien du Nord pour disposer notamment des idées
de reportage et des localiers.